« Quand vous recrutez quelqu’un, vous devez rechercher trois qualités : l’intégrité, l’intelligence et l’énergie. S’il n’a pas la première, les deux autres vous tueront ! » Warren Buffet
Comment sélectionner, recruter, choisir, gérer les égos, gérer les frustrations, animer, coordonner, conjuguer, former, développer les compétences et les atouts, évaluer les membres d’une équipe performante et gagnante ?
A chaque nouvelle prise de fonction, un manager doit à la fois « gérer un héritage » et recruter les « pièces manquantes du puzzle ». Chaque semaine, l’entraîneur doit annoncer à ses joueurs l’équipe qui jouera le weekend end.
Le manager sait qu’il va faire des heureux et des frustrés, le coach sait qu’il va réjouir les titulaires et décevoir les remplaçants et pire blesser ceux qui ne figureront même pas sur la feuille de match.
Dans l’entreprise multinationale, dans le sport de haut niveau de compétition, c’est la règle, mais elle est chaque fois une épreuve à la fois pour les entraîneurs dont c’est, disent-ils, une des tâches les plus difficiles, mais aussi bien sûr surtout pour les acteurs (salariés, joueurs, etc)
Les vrais entraîneurs et les vrais joueurs vivent la compétition comme une excitation mobilisatrice : même si le football est un sport collectif, il commence par un affrontement individuel de joueurs qui « se tirent la bourre » à l’entraînement pour gagner leur place, pour séduire l’entraîneur, pour prendre la place de l’autre, etc…
Compétition et concurrence
Les vrais entraîneurs et les vrais joueurs vivent la concurrence comme une émulation indispensable : l’entraîneur est tiraillé entre la raison et le cœur, le cerveau et l’affectif avant de faire ses choix. Le joueur est tiraillé, lui, entre la nécessité du collectif et l’envie d’être (enfin) reconnu : attention à la schizophrénie ! Le couperet de la décision de l’entraîneur met chaque semaine la pression : attention à la névrose !
La sélection ,le choix ,l’annonce d’un comité de direction après une fusion ou une acquisition, ou de la composition d’une équipe sportive pour une compétition importante, est aussi un moment de vérité :espéré ,attendu et provoquant inquiétude ,angoisse ,pression ,peur : la perception, la motivation, l’assurance du « décideur » va être en jeu et être auscultée par toutes les parties prenantes.
La confiance en soi tient beaucoup au choix des autres, la confiance des « élus » augmente mais attention à la suffisance ; la peine et la honte des « non choisis » augmente : attention à la déprime et à la paranoïa !
Titulaires et remplaçants
Être joueur et ne pas jouer c’est comme un comédien sans rôle. Être cadre et ne pas manager, c’est comme un joueur remplaçant, toujours sur le banc !
Être le patron, le boss, le coach c’est alterner des états gratifiants et perturbants. Les joueurs et les collaborateurs ne sont pas dupes, ils le savent, ils en jouent, il y a les timides, les rebelles, les grandes gueules, les gendres idéaux…
En sélectionnant, en annonçant l’équipe, l’entraîneur s’expose : il peut faire le bonheur des uns et le malheur des autres, mais il doit tenir bon une fois la décision prise car le doute n’est plus permis, sinon l’autorité peut vaciller, être remise en cause.
Chaque semaine il vit ,revit ,fait vivre et revivre la frustration ,la jalousie ,l’aigreur ,l’antipathie ,la résistance à la séduction ,le ressentiment ,la déception ,la colère ,etc
Mais le dirigeant ou le manager doit non seulement s’occuper des choisis ,des élus mais aussi des autres car un « écarté » ,un blessé ,un non-choisi, un non-élu peut semer le doute ,créer des tensions ,bouder ,ourdir des complots ,rester muet ,trop parler ,trop s’épancher ,disjoncter ,plomber une ambiance ,il peut être vexé et trop montrer son humeur et entraîner ainsi le groupe vers de la crispation inutile et surtout inefficace.
Mais comment transformer une déception en future motivation, une frustration en rébellion positive, une colère en ardeur au combat ?
Le manager –accordeur de talents devra doser son comportement entre être chef et psy, écoute et décision, gestion des egos et stimulation intelligente, terreau de progrès.
Comme le dit Claude Onesta* :
« oui, je fais un boulot de psychologue, je sais que cela va faire hurler les psychologues de métier, nous, on est à l’école de la vie, de la réalité. En sport si vous échouez trois fois de suite, vous disparaissez. Les gens que vous entrainez veulent ce qui se fait de mieux, et ce que vous faites n’est pas défini par des diplômes, mais par la crédibilité tirée de vos performances. Dans le monde professionnel de l’entreprise, le diplôme aurait plutôt tendance à sauver ceux qui l’ont, en sport, non ! »
Être choisi, c’est un événement, c’est une mission qui est confiée, il s’agit d’en être dignes.
Le sérieux et la gravité minimisent les risques d’incompréhensions, de sentiments d’injustice, et optimisent les chances d’acceptation, d’impartialité.
Quand les critères de choix sont connus, annoncés, incontestables les collaborateurs ne se plaignent pas (ou moins !) ils acceptent les décisions car elles sont légitimes.
Mais quand deux cadres sont vraiment très proches l’un de l’autre, quand deux joueurs sont en balance, le coach n’est plus tout à fait dans le rationnel, dans le logique, il n’est plus dans l’intelligible, il est dans le sentiment, dans le subjectif.
C’est justement pour cela qu’il faut être le plus clair et le plus transparent possible, car attention au non dit, attention aux rumeurs.
En fait, dans ce monde d’incertitude permanente, de remise en cause perpétuelle, de turbulences, où la paranoïa guette à tout moment, la transparence et la sincérité deviennent des gages de justice, des garants d’équité.
Tous les patrons, tous les managers d’entreprise ou d’équipes sportives vous le disent : « le plus dur, c’est le choix des hommes ».
En effet, recruter les personnes idoines dans une équipe (surtout en reconstruction) est le principal défi et l’un des principaux déterminants du succès du projet.
Les expériences vécues à la fois dans le monde du sport et en entreprise, nous autorisent à recommander aux premiers de s’inspirer de certaines méthodes des autres pour cette phase essentielle… et à ce même monde de l’entreprise de s’inspirer du monde du sport pour une grande partie du reste (animation-motivation-entraînement).
Extrait de « L’accordeur de talents » (Dunod) par Jean Pierre Doly Septembre 2013 (paru dans L’Entraînant n°16 Janvier 2014)